Interview Exclusive et Photoshoot pour Billboard

HITS DON’T LIE : SHAKIRA DÉVOILE SON ÂME EN TRANSFORMANT LA DOULEUR EN OR POP 

La superstar colombienne raconte tout sur sa survie à l’explosion de sa vie personnelle – et à la renaissance à mi-carrière qui a suivi.

Shakira entre dans une suite luxueuse à l’étage de la Villa Casa Casuarina à Miami Beach – l’ancien manoir Versace – vêtue d’un jean taille haute, d’un t-shirt ample et d’une casquette de baseball enfoncée sur son front, ses cheveux tirés en arrière dans un enchevêtrement de tresses châtain clair. Loin des caméras, son visage est pratiquement dépourvu de maquillage, à l’exception du mascara, et ses yeux sont écarquillés sur des pommettes saillantes. À la peau claire, mesurant à peine plus de 1,50m dans ses baskets, elle a l’air jeune et presque fragile – bien loin de la femme puissante et courroucée qu’elle a incarnée dans ses récentes chansons et vidéoclips au succès retentissant.

«Je suis encore dans une période de réflexion», dit-elle pensivement. « Je suis encore en train d’exorciser certains démons. Les derniers qu’il me reste », ajoute-t-elle avec un rire chaleureux.

L’une des stars les plus reconnaissables et les plus célèbres de la planète, Shakira est également notoirement méticuleuse, une perfectionniste connue pour laisser peu de choses au hasard. Mais au cours des 14 derniers mois, la femme de 46 ans a jeté aux oubliettes les conventions, les attentes et sa propre marque personnelle de célébrité séduisante, suite à sa tristement célèbre séparation avec la star du football espagnol Gerard Piqué, son partenaire depuis plus d’une décennie et le père de ses deux enfants, Milan, 10 ans, et Sasha, 8 ans. Couverte sans pitié par les tabloïds espagnols, la séparation au milieu d’allégations d’infidélité de la part de Piqué a été immortalisée lorsque Shakira a enregistré « Bzrp Music Sessions, Vol. 53 » avec le DJ argentin Bizarrap, un morceau incendiaire dans lequel elle fait une proclamation qui est devenue un mantra féministe mondial : « Les femmes ne pleurent pas ; les femmes facturent ». La chanson a atteint la deuxième place du Billboard Global 200.

Mais perdu au milieu de la couverture médiatique des tabloïds, les quatre records du monde Guinness établis par « Sessions, Vol. 53 » et les multiples jalons du Billboard (notamment devenir la première chanteuse à faire ses débuts dans le top 10 du Billboard Hot 100 avec un morceau en espagnol) était le fait qu’entre maternité et bonheur conjugal à Barcelone, cela faisait près d’une décennie que Shakira n’avait pas atteint le succès qu’elle avait connu l’année dernière ; son dernier numéro 1 sur le palmarès Hot Latin Songs était «Chantaje», avec Maluma, en 2016.

Cette année, elle a déjà décroché deux n°1 du classement : « Sessions, Vol. 53 » et « TQG », avec Karol G (tous deux ont également atteint le top 10 du Hot 100, et « TQG » a dominé le Billboard Global 200.). Au cours des 12 derniers mois, elle a placé six tubes dans le classement, tous faisant allusion à sa séparation et à la gamme d’émotions qu’elle a générées, de la rage intense au profond chagrin en passant par le faible espoir.

Aussi tortueux que soit le processus de mise en musique de ces émotions, le résultat est que la mère désormais célibataire de deux enfants est à nouveau l’une des artistes les plus en vogue au monde, toutes langues confondues, avec des projets pour 2024 : un nouvel album et une tournée mondiale, respectivement son premier depuis El Dorado de 2017 et sa tournée associée de 2018.

L’ironie de la période la plus tumultueuse de sa vie personnelle, alimentant une renaissance à mi-carrière, n’échappe pas à Shakira.

« Je me sens comme un chat avec plus de neuf vies ; Chaque fois que je pense que je ne peux pas m’améliorer, j’ai soudain un second souffle », dit-elle. « J’ai traversé plusieurs étapes : le déni, la colère, la douleur, la frustration, encore la colère, la douleur encore. Maintenant, je suis dans une phase de survie. Genre, il suffit de sortir la tête de l’eau. Et c’est une étape de réflexion. Et une étape où je travaille très dur et quand j’ai du temps avec mes enfants, je le passe vraiment avec eux. »

Shakira a toujours été remarquablement éloquente, tant dans son espagnol natal que dans l’anglais qu’elle a appris à l’âge adulte lorsqu’elle s’est lancée dans la pop mainstream. Dans la conversation, elle saute entre les langues presque par réflexe alors qu’elle cherche le mot juste, exprimant de manière bilingue un sens de l’humour méchant, parfois autodérisoire – et une sincérité surprenante pour une artiste aussi scrutée.

A la villa, elle s’installe en tailleur dans un grand fauteuil bleu. Elle demande du café noir ; la nuit a été longue au studio, suivie d’un début de journée matinal pour préparer les enfants pour l’école. Elle a envie de chocolats et bientôt, un plateau lui est livré chargé d’une variété de barres et de bonbons. Elle opte pour le second et en mange un avec délectation, puis un autre. Elle discute librement des enfants, de la vie et de la perte, rit souvent et s’arrête pour répondre à un appel de Sasha, qui est dans sa première semaine d’école après les vacances d’été et chez un ami.

« Mon amour, n’oublie pas de prendre ton assiette, de te laver les mains et de dire merci après avoir mangé », lui rappelle Shakira. Elle ressemble à une mère ordinaire – soulignant le côté terre à terre qui a valu à l’artiste souvent pieds nus tant de fans.

« Il est bien sûr compliqué d’atteindre le succès, mais il est bien plus complexe de le maintenir dans le temps. Shakira a démontré de mille manières qu’elle appartient à ce groupe très sélect. Chaque fois qu’elle sort une chanson ou un album, son ombre est à nouveau gigantesque », déclare Afo Verde, président-directeur général de Sony Music Latin Iberia, un confident qui a travaillé en étroite collaboration avec Shakira au fil des années, en particulier depuis mai, lorsque la star colombienne a déménagé de Barcelone à Miami.

< align="justify" p>Depuis lors, elle passe la plupart de ses journées au 5020, les studios d’enregistrement et de répétition ultramodernes de Sony à Miami, travaillant avec un flux constant de créatifs parmi lesquels le célèbre producteur-compositeur Edgar Barrera, qui a collaboré avec Maluma, Peso Pluma et Grupo Frontera, entre autres.

« De tous les artistes avec lesquels j’ai travaillé, elle est la plus perfectionniste, la plus méticuleuse », dit Barrera, qui a travaillé avec elle sur plusieurs chansons, dont «Clandestino», avec Maluma. « Elle sait exactement ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Elle demandera des choses comme un changement de fréquence sur un kick. Après avoir travaillé avec elle, je comprends pourquoi elle est là où elle en est et pourquoi elle a été numéro un tant de fois. »

Pour Verde, la proximité de Shakira l’a aidé à soutenir son processus créatif d’une manière qui a considérablement accéléré sa production. « Elle fait partie des rares cas au monde qui, malgré le passage du temps, continuent de travailler avec le même enthousiasme, la même qualité, le même respect et le même souci du détail qu’au début. Elle travaille avec ceux qui correspondent à sa quête artistique. Elle ne se soucie pas de savoir s’ils sont établis ou en devenir. Pour elle, l’art passe avant tout. »

Exemple concret : Fuerza Regida, le quintette mexicain du sud de la Californie qui a marqué cinq entrées au Hot 100 au cours de la dernière année avec sa version impétueuse et locale de la musique norteño , mais reste loin d’être un nom connu. Lorsque l’équipe de Shakira a contacté le chanteur JOP en juillet pour lui demander s’il était intéressé à collaborer avec elle sur le titre qui vient de sortir « El Jefe« , le jeune homme de 26 ans a pris un vol pour Miami le lendemain sans avoir entendu une note de la chanson.

« C’est Shakira ! Est-ce que tu comprends ce que je veux dire? » dit JOP. « Il n’y a rien d’autre à dire. J’ai grandi en écoutant Shakira, et après tous les défis pour en arriver là où je suis aujourd’hui, collaborer avec l’une des plus grandes artistes du monde… C’est fou ! Cela m’a époustouflé.»

En mai, Billboard a honoré Shakira comme sa toute première « femme latine de l’année » ; en juillet, les Premios Juventud lui ont décerné le prix « Agent du changement » ; et le 12 septembre, elle a reçu le « Michael Jackson Video Vanguard Award » aux MTV Video Music Awards, où elle a également interprété un éblouissant medley de tubes de 10 minutes .

Pourtant, admet-elle, au cours des sept dernières années, elle a été distraite par les affaires familiales et la vie à Barcelone, loin de l’action de l’industrie musicale. Cela a changé il y a un peu plus d’un an, lorsqu’elle s’est séparée de Piqué et a commencé à mettre son cœur de manière cathartique dans ses chansons. Plusieurs étapes se succèdent rapidement. « Te Felicito », avec Rauw Alejandro, a atteint la 10e place sur Hot Latin Songs et la 67e place sur le Hot 100 en mai et juin 2022, respectivement ; en novembre, « Monotonía », avec Ozuna (sa vidéo montre le cœur de Shakira littéralement arraché de son corps et écrasé par une chaussure sur le trottoir), s’est hissé à la troisième place des Hot Latin Songs ; et plus tôt cette année, « Sessions Vol. 53 » et « TQG » ont explosé en popularité.

D’un coup, Shakira n’était plus une célébrité lointaine, mais l’une des stars les plus streamées de la planète. (Au moment de mettre sous presse, elle était l’artiste latine la plus écoutée sur Spotify.)

Simultanément, Shakira – qui a essentiellement été la pionnière du concept de tournée mondiale dans le royaume latin et est entrée dans l’histoire lorsqu’elle a partagé la scène de la mi-temps du Super Bowl 2020 avec Jennifer Lopez – a relancé les conversations concernant une tournée. Bien que les détails restent secrets, sa prochaine tournée, a déclaré Keith Sarkisian, partenaire musical de WME, comprendra des shows dans des arènes et des stades dans près de deux douzaines de pays d’Amérique latine, d’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, d’Europe et du Moyen-Orient.

« Shakira s’est imposée comme une artiste remarquable et influente au cours des 20 dernières années », a déclaré Michael Rapino, PDG et président de Live Nation Entertainment, dont la relation avec la chanteuse remonte à sa tournée Oral Fixation en 2007 . « Elle a développé une énorme base de fans mondiale grâce à ses performances captivantes et à son mélange unique d’influences pop, rock, latines et mondiales. Nous avons hâte de la voir sur les scènes du monde entier pour sa plus grande tournée à ce jour.»

Shakira est d’accord. « Je pense que ce sera la tournée de ma vie. Je suis très excitée. Pensez-y, j’avais le pied sur les freins. Maintenant, j’appuie fort sur l’accélérateur »

 

Premier ordre du jour : les enfants sont-ils heureux à l’école ?

Ils vont très bien. Ils l’adorent. À Barcelone, ils portaient le poids d’être « les enfants de… » et la situation médiatique était dure pour eux. Nous avions des paparazzis à notre porte tous les jours. Ici, ce sont des enfants normaux qui apprécient la normalité, ce que devrait être l’école : un refuge où ils peuvent être eux-mêmes. Et comme ils sont sociables et plutôt ouverts, il leur a été facile de s’adapter.

 

Vous êtes-vous adaptée ?

Je suis toujours en train ! ( Rires .) J’ai perdu un peu de ma plasticité mentale avec le temps. La dernière fois que j’ai vécu ici, j’avais environ 21 ans. Miami a changé. Avant, il n’y avait pas autant de trafic.

 

Aimez-vous toujours conduire ?

Oui. Je conduis toujours moi-même. Je conduis une voiture de maman de banlieue : une Toyota Sienna. Pas sexy du tout. Il n’y a pas de voitures sexy chez moi. La seule chose sexy chez moi, c’est moi. ( Rires .)

 

Je t’ai vu sortir beaucoup. Je ne savais pas que tu étais un papillon aussi social.

Moi non plus! Je ne le savais pas parce que j’avais vraiment la flemme de sortir [avant]. Ma tenue préférée est mon pyjama. Mais mes enfants sont de grands fans des Miami Heat. Milan est fan de tous les sports. Je dois donc l’emmener à tous les matchs de baseball, à tous les matchs de basket-ball, à tous les matchs de hockey. Jamais de ma vie je n’ai assisté à autant d’événements sportifs. Et puis, quand ils sont avec leur papa, je travaille du matin au soir, et puis je prends une margarita avec mes amis.

 

Votre mode de vie a-t-il radicalement changé au cours de la dernière année ?

Dramatiquement. Mis à part le fait que ça a été un drame, le temps que je passe avec mes enfants, je le passe vraiment avec eux. Par exemple, cet été, le temps qu’ils ont passé avec moi, je leur ai entièrement consacré. Je n’ai pas travaillé et ils ne sont pas allés en colo. Ils sont allés à la colo Shakira. Si je ne peux les avoir que la moitié du temps, je vais tirer le meilleur parti de ma moitié.

 

Comment cela affecte-t-il votre musique ?

Maintenant que j’ai passé une semaine à Los Angeles par exemple, j’inclus tout : studio, boulot, réunions, boulot, boulot, boulot, boulot jusqu’à tard, puis retrouver mes copines que je n’ai pas vues depuis un moment et sortir le soir comme autrefois ( rires.). Je mets tout, loisirs et plaisir, dans la même semaine mais très compacté parce qu’après je dois revenir et redevenir maman, chef de famille, et puis je ne peux rien faire parce que j’ai les enfants avec moi tout le temps. En ce qui concerne la musique, elle vient toujours d’un lieu très réfléchi.

 

Mais le bon côté de tout ce que vous avez vécu semble être que vous avez produit certaines de vos musiques les plus réussies depuis des années. Êtes-vous d’accord ?

Eh bien, le fait est que je lui étais dévouée. À la famille, à lui. C’était très difficile pour moi de m’occuper de ma carrière professionnelle à Barcelone. C’était compliqué logistiquement d’avoir un collaborateur sur place. Il me fallait attendre que les agendas coïncident ou que quelqu’un daigne venir. Je ne pouvais pas laisser mes enfants et aller quelque part faire de la musique en dehors de chez moi. C’était difficile de maintenir le rythme. Parfois, j’avais des idées que je ne pouvais pas mettre en oeuvre. En ce moment, j’ai une idée et je peux immédiatement collaborer avec qui je veux. Ce qui est incontournable à Miami, à Los Angeles et aux États-Unis en général, c’est que j’ai le soutien logistique et technique, les ressources, les outils, les personnes. Vivant en Espagne, tout cela était en suspens.

 

Je n’y avais pas pensé de cette façon…

C’est pourquoi ma carrière était une troisième priorité. La dernière fois que j’ai sorti un album, c’était il y a six ans. Maintenant, je peux sortir de la musique plus rapidement, même si parfois je pense qu’être une mère célibataire et le rythme d’une pop star ne sont pas compatibles. Je dois coucher mes enfants, aller au studio d’enregistrement ; tout est ardu. Quand on n’a pas de mari qui peut rester à la maison avec les enfants, on doit constamment jongler car j’aime être une maman présente et j’ai besoin d’être là à chaque instant avec mes enfants : les emmener à l’école, prendre le petit déjeuner avec eux, les emmener jouer. Et en plus de ça, je dois gagner de l’argent.

 

C’est tellement compliqué d’être une mère qui travaille : on nous apprend que nous pouvons tout faire, mais quelque chose en souffre toujours. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas allé à la salle de sport depuis un an. En fait, j’y suis allé quelques fois. Je ne sais pas depuis combien de temps je ne suis pas aller faire un massage. J’ai un torticolis ! Quelque chose doit céder. Mon cou. Mes trapèzes. C’est ce qui prend. C’est difficile de tout faire.

 

Avant que tout cela n’arrive, étiez-vous soucieuse de sortir de nouvelles musiques, ou étiez-vous heureuse de votre état d’esprit à Barcelone ?

Ma priorité était ma maison, ma famille. Je croyais au «jusqu’à ce que la mort nous sépare». J’ai cru à ce rêve et j’ai fait ce rêve pour moi et pour mes enfants. Mes parents sont ensemble, je ne sais plus, depuis 50 ans et ils s’aiment comme au premier jour, d’un amour unique et irremplaçable. Donc je sais que c’est possible. Ma mère ne quitte pas mon père [malade]. Ils s’embrassent toujours sur la bouche. Et cela a toujours été mon exemple. C’est ce que je voulais pour moi et mes enfants, mais cela ne s’est pas produit. Si la vie vous donne des citrons, vous devez faire de la limonade. C’est ce que je fais : faire de la limonade.

 

Parlez-moi de vos prochains singles. Vous avez collaboré avec tous les artistes latins ces derniers temps. Est-ce une décision calculée ?

Tout a été très organique. Je sors quelque chose en septembre et peut-être en novembre. Le nouveau single est une collaboration avec Fuerza Regida. C’est du ska mexicain, et ça sonne très frais, très original, très punk d’une certaine manière. Il a des tonnes d’énergie. La chanson s’appelle « El Jefe » [« Le Boss »] et parle d’abus de pouvoir. Nous avions la chanson et nous avons pensé : « Oy, qui pourrions-nous obtenir pour ça ? » et nous avons pensé à Fuerza Regida. La voix de JOP est très spéciale. Nous lui avons écrit, et il est arrivé le lendemain de Los Angeles et nous l’avons enregistrée en trois jours.

[À propos de « TQG » avec Karol G], Karol traverse une bonne période, et en plus nous traversions toutes les deux des ruptures publiques qui ont un dénominateur commun. Cela a inspiré la chanson sur laquelle nous avons travaillé ensemble. C’était un projet auquel je croyais depuis le début, et c’est pourquoi j’y ai investi autant de temps.

 

C’était une collaboration très attendue et très réussie. Diriez-vous que vous avez consacré plus de temps et de ressources à « TQG » qu’à d’autres singles récents ?

Eh bien, le clip avec Ozuna [pour « Monotonía »] était aussi mon idée. Pour la plupart des clips, je finis par co-réaliser, co-écrire, voire concevoir les objets avec le département artistique. Je m’implique vraiment jusqu’au bout parce que je sens que le monde audiovisuel exprime [aussi] un côté très onirique et se connecte avec la chanson depuis le subconscient. Cela permet au subconscient de parler. Quand je fais un clip, je ferme les yeux et je rêve.

 

Avec ça en tête, pourquoi avoir une sirène dans votre nouveau clip de « Copa Vacía » avec Manuel Turizo ?

Parce que la sirène est un symbole qui représente cette partie de moi qui a été enlevée et emmenée d’un monde auquel elle appartient à un monde auquel elle n’appartient pas. Un monde dans lequel elle a dû faire d’énormes sacrifices pour vivre. Un monde où elle manquait peut-être d’oxygène. Mais au final, elle retourne à la mer parce que c’est son destin, tout comme je suis revenue à Miami. (Rires) Cette sirène a d’abord été enlevée puis, par amour, elle se trouve à côté de cet homme, captive et en quelque sorte enfermée. Sacrifier son propre bien-être et ce qui est naturel pour elle par amour. Et puis elle finit jetée à la poubelle et entourée de rats.

 

C’est intense.

N’est-ce pas ? Et je ne sais pas si vous le saviez, mais il y a de vrais rats autour de moi dans la vidéo. Parce que croyez-moi, je suis toujours entouré de rats. Mais à chaque fois de moins en moins. Cela représente une grande partie de ce que j’ai fait l’année dernière : nettoyer la maison, exterminer les rats.

 

Mais votre musique est revenue. C’est le côté positif.

Il y a toujours une lueur d’espoir. La vie parvient toujours à compenser d’une manière ou d’une autre. En un an, j’ai perdu ce que j’aimais le plus, la personne en qui j’avais le plus confiance, mon meilleur ami : mon père. Il a perdu plusieurs de ses fonctions neurologiques à la suite de son accident à Barcelone [une chute en juin 2022]. Et il est allé à Barcelone justement pour me consoler, pour me soutenir au moment de ma séparation. Je me suis demandé : « Comment tant de choses peuvent-elles m’arriver en un an ? » Mais c’est la vie.

À partir de là, ma musique a également pris un nouvel essor, et je suppose que c’est ainsi que la vie compense. Vous soustrayez à une extrémité et ajoutez à l’autre. Ce sont des mathématiques pures. Dans ma neuvième vie, je vous dirai quel est le total. Parfois, je pense que le bonheur n’est pas pour tout le monde. Le bonheur est un luxe, une marchandise. Certaines personnes sont nées pour être heureuses, et d’autres sont nées pour faire des choses, servir la communauté. Je ne sais pas.

 

Êtes-vous heureuse maintenant ?

C’est une question très courte pour une réponse très longue. Je ne pense pas que tout le monde ait accès au bonheur. C’est réservé à un nombre très restreint de personnes, et je ne peux pas dire que je fais partie du club pour le moment. Il y a des moments de bonheur, de distraction, des moments de réflexion. Il y a aussi encore des moments de nostalgie, et ma musique en ce moment se nourrit de ce cocktail.

 

Vous n’aviez visiblement rien prévu de tout cela. Vous ne cherchiez pas un n°1, mais un débouché créatif, n’est-ce pas ?

Exactement. J’essayais de comprendre et de comprendre mes émotions à la recherche d’une catharsis.

 

En 2021, vous avez vendu les droits d’édition musicale de votre catalogue de 145 chansons à l’époque à Hipgnosis. Pourquoi?

Je suis très amie avec Merck [Mercuriadis]. C’est un expert en musicologie qui connaît intimement mon catalogue depuis la toute première chanson que j’ai écrite quand j’avais 8 ans. Je sais que mes compositions sont entre de bonnes mains avec lui en tant que gardien, et j’en suis très heureuse. Ils font un très bon travail. Si vous vendez votre catalogue, vous voulez savoir que c’est à quelqu’un qui apprécie votre musique et qui connaît la musique.

 

Êtes-vous vraiment préoccupé par l’intelligence artificielle ?

On m’a montré comment je parlais avec l’IA. Mais je ne pense pas qu’ils aient encore compris. Là, je ne m’entends pas. La lettre E, par exemple, ressemble à ma voix, mais pas aux quatre autres voyelles. Je pense que ça va être difficile pour l’IA de m’imiter. Et j’ai de plus gros poissons à faire frire en ce moment. Ma plus grande préoccupation est de savoir comment Milan pourra pratiquer le football américain, le football et le baseball dans la même semaine.

 

Je sais que vous prévoyez de partir en tournée l’année prochaine et j’ai vu des photos de vous lors de la tournée de Beyoncé. On aurait dit que vous vous amusiez.

Oh non. J’étais en train de travailler ! (rires) Je ne peux certainement pas tourner avec autant de camions que Beyoncé, mais je prenais des notes.

 

Ce que j’ai toujours aimé dans vos tournées, c’est qu’elles sont à peu près toutes seulement vous. Que vous n’avez pas besoin de…

Tant de choses ? D’une certaine manière, je voulais me prouver que je pouvais supporter tout le poids d’un spectacle. En fait, bon nombre de mes tournées n’avaient pas de danseurs et une production limitée. Durant The Tour Of The Mongoose [2002-03], qui a été l’une de mes tournées les plus réussies, avec la plus grosse production, j’ai voyagé avec ce serpent qui se levait au début du spectacle, tu te souviens ? Ce serpent a coûté 1 million de dollars et, pour le transport, plusieurs millions de plus. À la fin de la tournée, mon manager a demandé sa commission et j’ai dit : « Aha, et combien ai-je gagné grâce à la tournée ? » Il a répondu : « Non, tu as perdu 6 millions de dollars. Ne voulais-tu pas voyager avec ce cobra ? » Vous vivez et apprenez. 

Organiser une tournée est amusant, mais c’est un gros effort et il faut tout mettre en balance et décider ce que les fans veulent vraiment entendre, quelles chansons vous voulez entendre et quelle quantité de production vous voulez. Au final, plus vous avez de production, plus le prix du billet est élevé. Je veux que les billets soient abordables. Mais pour moi, le plus important, c’est le répertoire. C’est pourquoi je pense que [ma prochaine tournée] sera la tournée de ma vie, parce que j’ai tellement de chansons.

 

Pensez-vous que dans cinq ans, lorsque vous regarderez en arrière, vous verrez ce moment sous un jour plus positif ?

Comme une bénédiction déguisée ? Je pense que rien ne peut compenser la douleur de détruire une famille. Bien sûr, je dois continuer pour le bien de mes enfants ; c’est ma plus grande motivation. Mais mon plus grand rêve, plus que collectionner des albums de platine et des Grammys, était d’élever mes fils avec leur père. Surmontez les obstacles et vieillissez ensemble. Je sais que je n’aurai plus ça maintenant.

 

Qu’avez-vous appris sur vous-même au cours de ce processus et qui vous a surpris ?

Ma force. Je pensais que j’étais beaucoup plus faible. J’avais l’habitude de m’effondrer devant les problèmes les plus stupides. Je créerais un drame parce que je m’étais cassé une dent ou ce genre de choses. Mais mûrir, traverser des choses vraiment difficiles, vous donne un sentiment de recul et d’empathie. Vous apprenez à valoriser les bons moments et à ne pas amplifier les mauvais.

Avant, quand je n’avais pas de vrais problèmes, j’étais une vraie reine du drame. Je me souviens d’une fois, Gérard m’a acheté une bague en diamant parce que je m’étais cassé une dent sur The Voice et je pleurais tellement. J’étais inconsolable. J’étais aussi enceinte, donc j’étais très hormonale. Maintenant, je me casse une dent, et cela ne va pas au-delà d’un petit inconvénient que l’on corrige avec une visite chez le dentiste. Je ne pleurerais pas à ce sujet deux jours de suite comme je le faisais à l’époque où j’étais heureuse.

 

À une époque où il ne semble plus y avoir de tabous dans la musique latine en termes de contenu et d’image, réfléchissez-vous beaucoup à ce que vous voulez dire ou représenter dans votre musique ?

J’ai toujours été très consciente du fait que ce qu’une personne publique exprime ou dit a un écho et un impact sur les autres. Et je suis convaincue que nous devons servir la communauté par notre travail et aider le monde à devenir meilleur. En tant que femme, je sens que j’ai une responsabilité. Je pense aussi que la musique est un outil, une plateforme de validation en tant que femme et de validation de mes propres idées, mais il n’y a pas d’intention calculée derrière ce que je fais. Mais je comprends la responsabilité qui vient de ce que j’ai et du fait d’être une personne publique et d’être capable de faire de la musique pendant si longtemps et de toucher plusieurs générations. Je sais que les petites filles me voient, vont à mes concerts, écoutent ma musique. C’est toujours dans un coin de ma tête.

 

« Bzrp Music Sessions, Vol. 53 » a suscité beaucoup de controverses. Les gens étaient divisés sur la question de savoir si vous auriez dû vous exprimer. Était-ce une décision difficile ?

Lorsque j’ai fait cette chanson, les membres de mon équipe disaient : « S’il te plaît, change ça. Ne pense même pas à sortir ces paroles.» Et j’ai dit : « Pourquoi pas ? » Je ne suis pas diplomate aux Nations Unies. Je suis artiste et j’ai le droit de travailler sur mes émotions à travers ma musique. C’est ma catharsis et ma thérapie, mais c’est aussi la thérapie de nombreuses personnes. Je sais que je suis la voix de nombreuses personnes et je ne suis pas prétentieuse, je suis juste réaliste. Je prête ma voix à de nombreuses femmes qui voulaient peut-être aussi dire les mêmes choses que moi et qui n’ont peut-être pas eu la validation pour le faire. Je pense que des chansons comme la session Bizarrap ou celle que j’ai faite avec Karol ont donné à de nombreuses femmes la force, l’autonomisation, la confiance en elles et aussi le soutien nécessaire pour exprimer et dire ce qu’elles ont besoin de dire.

 

Et sans avoir besoin d’être vulgaire ou graphique ?

Non, mais je vais directement à la jugulaire. Je ne sais pas comment aller ailleurs.

 

Michelle Yeoh, 61 ans, a remporté cette année l’Oscar de la meilleure actrice. Dans son discours, elle a déclaré : « Mesdames, ne laissez personne vous dire que vous avez déjà dépassé votre apogée. » Notre industrie est très âgiste. Que pensez-vous de ces mots ?

Quand l’année a commencé et que j’ai obtenu le premier numéro 1, puis l’autre consécutivement, je me suis dit : « Cela ne peut pas m’arriver à 46 ans. » C’était tellement excitant de briser le moule ou de réinventer les paradigmes, et aussi parce que c’est comme ça qu’on change les choses. Je sens que j’ai plus d’énergie maintenant qu’à bien d’autres moments de ma vie. Maintenant, le studio est l’un de mes endroits heureux. Dans le passé, ce n’était pas tellement le cas. Il y a eu des moments où j’ai eu une relation amour/haine. Il y avait un peu de peur dans le studio, à l’idée de se retrouver devant une toile vierge. Mais maintenant, quand je suis sur le point de commencer une chanson, mes sentiments sont davantage d’anticipation. Peut-être parce que je ne suis plus un maniaque du contrôle comme avant ?

 

Vraiment ?

J’ai beaucoup lâché prise ! Je contrôle toujours, mais je ne suis pas un monstre. Qui n’aime pas le contrôle d’une manière ou d’une autre ? Vous voulez réaliser votre vision. Mais j’ai beaucoup lâché prise. Si je devais me casser une dent maintenant, je verserais probablement une larme ou deux, mais je ne pleurerais pas de la journée.