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Interview pour Forbes México

Forbes México a récemment publié un article consacré à Shakira et à l’impact qu’elle exerce sur la scène musicale et culturelle latino-américaine à travers sa tournée mondiale Las Mujeres Ya No Lloran. Le texte revient sur la portée symbolique de ses concerts au Mexique et met en lumière le message de liberté et d’indépendance qu’elle associe à sa carrière et à ses projets. Nous vous proposons ici la traduction complète de cet article.

Latin Power 2025 : « Si tu peux générer tes propres ressources, tu es libre », souligne Shakira

Shakira est devenue un symbole du pouvoir des artistes latino-américains dans le monde et consolide son influence avec sa tournée Las Mujeres Ya No Lloran World Tour. Voici l’histoire derrière ce dernier chapitre qui a placé le Mexique au cœur de sa tournée.

« Ce soir, et pour toujours, nous ne faisons qu’un ! » C’est le cri qui parcourt les gradins de l’Estadio Caliente, à Tijuana (Basse-Californie). La voix qui le lance n’ébranle pas seulement l’enceinte de 27 333 spectateurs : elle semble franchir la frontière entre le Mexique et les États-Unis. C’est ainsi que Shakira Isabel Mebarak Ripoll émeut un public venu assister à une vérité répétée depuis 2006 : « les hanches ne mentent pas » (hips don’t lie ndlt).

« En arrivant au Mexique, je sens que l’air change. Je respire un esprit plein de vie qui m’envahit. C’est comme si le Mexique me connectait à mon côté le plus sauvage, le plus libre, le plus fougueux. Ici, tout m’inspire davantage. Chaque pays a son esprit, et celui du Mexique est indomptable : il te transforme. Ici, tu te réveilles… ou tu te réveilles », confie Shakira à Forbes México.

La chanteuse, compositrice, productrice, danseuse, actrice et cheffe d’entreprise, née le 2 février 1977 à Barranquilla (Colombie), est de retour au Mexique pour la deuxième partie de sa dernière tournée.

« Cette tournée a été l’une des plus importantes au monde en 2025… Elle a été la tournée mondiale la plus lucrative des premiers mois de l’année et, avec son deuxième passage au Mexique, elle est remontée au sommet. Avec Las Mujeres Ya No Lloran World Tour, Shakira n’a pas seulement battu des records d’assistance et de ventes de billets — plus d’un million rien qu’au Mexique —, elle a aussi confirmé la force de mobilisation d’une artiste latine à l’échelle mondiale. Shakira a sans doute été la première artiste féminine à conquérir le marché anglo-saxon. Depuis sa position d’étoile mondiale, elle a consolidé la tendance selon laquelle la musique latine et en espagnol n’a pas de frontière ; tendance dont elle a été la pionnière », explique Jorge Cambronero, promoteur exécutif chez OCESA.

En mars, la première étape de la tournée aurait généré 160 millions de dollars de retombées pour le tourisme de Mexico, selon la Chambre nationale de commerce. La deuxième étape apportera 106,4 M $ supplémentaires, dont 55 % en hébergements, à travers au moins dix villes : Tijuana, Hermosillo, Chihuahua, Torreón, Monterrey, Querétaro, Guadalajara, Puebla, Veracruz et Mexico, selon un rapport de la société de conseil Mabrian.

« Il ne faut pas abandonner trop tôt. Cette tournée m’a appris que même quand tout paraît impossible : quand les chiffres ne s’alignent pas, quand la fatigue est extrême, quand certains te disent que tu n’y arriveras pas, si tu as une vision claire et la discipline de continuer à pousser, les choses finissent par arriver. Elle m’a aussi rappelé que l’art, lorsqu’il est fait avec honnêteté et une implication totale, trouve son chemin vers les gens. Las Mujeres Ya No Lloran a battu des records et m’a rendu la certitude que l’authentique touche toujours », dit Shakira, qui a commencé sa carrière en 1991 avec Sony Music Colombia.

Gabriel García Márquez écrivait déjà à son sujet dans Cambio : « La musique de Shakira a une empreinte personnelle qui ne ressemble à aucune autre, et personne ne la chante ni ne la danse comme elle, à aucun âge, avec une sensualité innocente qu’elle semble avoir inventée. On dit facilement : “si je ne chante pas, je meurs”. Mais pour Shakira, c’est vrai : si elle ne chante pas, elle ne vit pas. »

Ses 7 concerts au stade GNP Seguros se sont vendus en moins d’une semaine. Les 11 premières dates de Monterrey, Guadalajara et Mexico, en mars, ont réuni près d’un million de spectateurs. Depuis août, elle a ajouté 15 nouvelles dates dans plusieurs grandes villes mexicaines. À la fin de la tournée, le Mexique comptera 40 % de toutes les représentations.

« Cette tournée laisse aussi une empreinte économique et sociale. Derrière chaque show, il y a des mois de logistique, plus de 50 camions de matériel et la coordination de centaines de professionnels. Le Mexique n’est pas un arrêt de plus : c’est le cœur de la tournée, avec le record de billets vendus dans un seul pays et le public le plus mobile et dévoué, venu de toute la République, mais aussi des États-Unis, du Salvador, de Colombie ou du Pérou », ajoute Cambronero.

La tournée, organisée par OCESA et Live Nation, est aussi un cas d’école : 12 dates complètes au GNP Seguros (considéré comme le meilleur stade de concerts au monde). « Shakira a révélé la puissance du public mexicain, sa capacité à voyager depuis tous les coins du pays et de l’étranger pour vivre l’expérience, et notre capacité à produire des événements de classe mondiale », précise l’exécutif.

La tournée a débuté le 11 février à Rio de Janeiro et s’achèvera le 16 novembre au Pérou, avec 63 dates au total.

« Nous sommes tous l’Amérique latine », proclame Shakira à Tijuana, juste avant qu’une pluie de “shakidollars” ne tombe dans le stade.

Entretien avec Forbes México

Forbes México (FM) : Qu’est-ce qui te plaît le plus au Mexique ?
En arrivant au Mexique, je sens que l’air change. Je respire un esprit plein de vie qui me possède. C’est comme si le Mexique me connectait avec mon côté le plus sauvage, plus libre, plus fougueux. Au Mexique, tout m’inspire davantage. Chaque pays a son esprit, et celui du Mexique est indomptable, il te transforme. Ici, tu te réveilles… ou tu te réveilles.

FM : Tu as une trajectoire de trois décennies, quelle a été ta stratégie pour continuer à innover dans une industrie si compétitive et rester présente auprès de différentes générations ?
– Être fidèle à moi-même. J’aime mettre mon âme à nu à travers l’art, raconter des histoires vraies avec une plume aiguisée. Je crois que les gens cherchent des vérités, et moi aussi. Je ne fais pas de chansons juste pour faire des chansons. Je les fais pour mieux me connaître, pour me retrouver, comme un processus de guérison. Las Mujeres Ya No Lloran a été un grand processus alchimique. Je me demandais : « Que vais-je faire de toutes ces larmes ? ». Certains vont à l’église, d’autres font du sport ; moi je m’enferme dans un studio qui devient une salle d’opération. Mes fans le savent : pour moi, ça se passe comme ça.

FM : Tu affirmes que les femmes ne pleurent plus, mais qu’elles facturent. Combien facture Shakira ?
– Je ne me concentre pas sur combien je facture, mais sur la réaction du public et sur la façon dont je peux améliorer chaque show pour que mes fans rentrent encore plus heureux chez eux. Quand je dis que les femmes facturent, je veux transmettre un message d’autonomisation : si tu peux générer tes propres ressources, tu es libre. Ne dépends pas d’un mari qui te contrôle avec l’argent. Facturer ne garantit pas le bonheur, mais il est précieux de savoir que tu peux compter sur toi-même.

FM : Dans ta carrière, tu as réalisé des tournées réussies avec des records d’assistance et de recettes, tout en t’impliquant comme artiste-entrepreneuse. Comment parviens-tu à équilibrer ta facette artistique avec la vision entrepreneuriale dans la planification et l’exécution des tournées, et qu’est-ce qui a été la clé de ton succès dans les deux domaines ?
– Je suis perfectionniste. Et je l’appelle ainsi parce que c’est un appel inévitable, avec ses bons et ses mauvais côtés, qu’il faut apprendre à gérer. Ceux qui sont comme ça apprennent vite qu’ils ne peuvent s’impliquer que dans des choses qui les passionnent et dans lesquelles ils croient profondément. Nous ne pouvons tout simplement pas lâcher un projet tant que nous n’avons pas le sentiment que tout est parfaitement en place. Et dans cette recherche, on peut y consacrer une vie entière s’il le faut.

Pour cette tournée, j’ai travaillé 12 mois avec des journées interminables ; même au 11e mois, je sentais que je n’avais pas encore trouvé ce que je cherchais. J’y ai laissé beaucoup de mon corps en chemin et j’ai fait un investissement énorme, au point que beaucoup étaient convaincus qu’il serait impossible de le récupérer. Mais quand tu arrives à l’endroit que tu visais, les résultats apparaissent généralement. Las Mujeres Ya No Lloran est devenu un succès mondial qui a battu des records, parce que j’ai réussi le show que j’avais rêvé. Beaucoup de gens l’ont ressenti de la même façon, et cela a déclenché une vague imparable de commentaires positifs qui a construit ce succès. C’est la formule.

Avec Ísima, il m’est arrivé la même chose. Quelle femme ne donne pas d’importance à ses cheveux ? Je me suis obsédée à trouver la formule du shampooing parfait, j’ai discuté avec tous les spécialistes, j’ai essayé des dizaines de formules et un projet qui devait durer des mois a fini par s’étendre sur des années. Mais aujourd’hui je l’utilise tous les jours et je confirme que c’est un produit spectaculaire. J’avais tout essayé et rien ne m’avait convaincue comme ça. Le même phénomène se produit avec le shampooing : des gens disent « ça marche mieux que tout ce que j’ai essayé ». Le succès qu’il connaît et qu’il connaîtra ne me surprend pas, parce que quand tu atteins l’endroit rêvé, le bouche-à-oreille fait le reste.

FM : En tant qu’entrepreneuse, quelle est ta vision pour réaliser un investissement ou commencer une nouvelle affaire ? Quelle a été ta plus grande leçon comme entrepreneuse ?
– Ma plus grande leçon a été de m’entourer de personnes qui en savent plus que moi dans les domaines que je ne maîtrise pas. C’est une erreur de prétendre tout savoir. Plus qu’une erreur, c’est une stupidité. Avec le temps, tu développes un instinct pour trouver la personne correcte pour chaque poste. Le temps m’a donné des outils pour comprendre qui parle sans fondement et qui sait vraiment de quoi il parle. Le succès se construit avec patience, une vision claire et une bonne équipe.

FM : Quels conseils donnerais-tu aux Latinas entrepreneuses ?
– Fais quelque chose qui te passionne vraiment, parce que les choses prennent du temps. Le succès est de tomber et de se relever autant de fois que nécessaire. L’échec n’est pas seulement inévitable : il est nécessaire, parce qu’il contient une information précieuse. Pour entreprendre un projet, il faut avoir de la résilience : la certitude que tu te relèveras jusqu’à y parvenir. Et chaque fois que nous nous relevons, nous devons emporter un nouvel apprentissage. Que chaque chute nous rende plus sages. C’est de cela qu’il s’agit sur le chemin.

FM : Comment définirais-tu le pouvoir latino ?
– Le pouvoir latino est dans notre manière unique de nous relier. Nous avons conquis le monde en nous entremêlant avec toutes les cultures. Le latino, c’est l’amitié, la célébration et la présence. C’est une étreinte, c’est partager quoi que ce soit. Le latino sait converser. Et converser, c’est parler avec une honnêteté brutale et écouter avec une attention totale. Il y a des idées qui ne viennent ni de l’un ni de l’autre, mais qui naissent de la conversation. C’est très latino, ce fait de tout se raconter. Nous sommes des êtres sociaux, plus que d’autres cultures. Et en nous entremêlant les uns avec les autres, nous devenons meilleurs.

FM : Aujourd’hui on parle d’atteindre un équilibre entre le professionnel et le personnel. Dans ton cas, comment y parviens-tu ?
– C’est une bataille. Une tournée est une entreprise qui exige tout, et mes enfants sont ma priorité absolue. Ce n’est pas un équilibre, c’est une lutte quotidienne. Je suis une louve qui se bat pour son temps de qualité avec ses enfants ; si on me le fait perdre, on verra mes crocs. Je fais tout pour que chaque chose se résolve avec la plus grande efficacité possible. Et pour ça, il faut être très bien entourée. Quand on me demande : « À quoi dépenses-tu ton argent ? », je réponds toujours : en salaires. Et c’est vrai : j’investis énormément dans le capital humain, parce que dans cette industrie, comme dans toute autre, le bon marché coûte cher.

FM : Comment est une journée de Shakira sans être sur scène ?
– Ma vie se partage entre l’art et mes enfants. Si c’est un jour d’art, je serai en train de faire de la musique, de créer des chorégraphies, de concevoir des décors ou de développer des idées créatives. Le studio d’enregistrement est l’un de mes endroits de plus grand confort. Le reste du temps, je suis une mère qui continue d’apprendre, essayant chaque jour de le faire mieux et me battant comme une louve sauvage pour ce temps de qualité avec mes enfants. Je suis très consciente que le temps s’envole, et chaque seconde avec eux vaut de l’or. L’art et la maternité me complètent ; là est mon bonheur.

FM : Avec le succès de ta dernière tournée, quelle serait la plus grande leçon qu’elle t’a laissée ?
– Qu’il ne faut pas abandonner avant l’heure. Cette tournée m’a appris que même quand tout paraît impossible : quand les chiffres ne s’alignent pas, quand la fatigue est extrême, quand certains te disent que tu n’y arriveras pas, si tu as la vision claire et la discipline de continuer à pousser, les choses se produisent. Elle m’a aussi rappelé que l’art, quand il est fait avec honnêteté et un engagement total, trouve son chemin vers les gens. Las Mujeres Ya No Lloran a battu des records et m’a aussi rendu la certitude que l’authentique connecte toujours.

FM : En regardant vers l’avenir, comment te vois-tu dans les prochaines années ?
– Je me vois en train de recommencer. Chaque tournée se termine, chaque album accomplit son cycle, et l’artiste se retrouve de nouveau face à la toile blanche, miroir de nos peurs et de nos joies. C’est une véritable montagne russe. La vie est un livre avec plusieurs chapitres. Chaque chapitre a à voir avec d’où on vient, mais un nouveau chapitre, c’est recommencer à zéro. C’est une page blanche dont on n’a aucune idée d’où elle va nous emmener. Que la vie nous offre beaucoup de chapitres. Même si le nouveau nous fait peur, les changements, les chutes. Il y a des vies qui sont écrites en un seul chapitre. Ce n’est pas pour moi. Ma peau aura des cicatrices partout, mais j’écris plusieurs chapitres, et ça me fait sentir que je suis en train de vivre.

Source : Forbes México

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